"Je souhaitais aider les gens, pas les exploiter", a expliqué la prévenue. Les sous-locataires avaient le choix d'avoir d'autres logements, a-t-elle ajouté en contestant l'usure par métier. Elle a expliqué que son nom a circulé au sein de la communauté philippine. Mais cette Vietnamienne ne souhaitait pas exercer cette activité de sous-location qui s'est au final imposée à elle.
Les faits que lui reproche le Ministère public remontent à 2016-2020. Pendant cette période, elle aurait sous-loué quinze appartements à Genève, souvent mal entretenus et mal aménagés, à des étrangers, principalement sans statut légal, en "exploitant la gêne et la dépendance" de ces personnes. Au total, 75 sous-locations ont été recensées.
Les loyers étaient justifiés par rapport à l'état des appartements, estime pourtant la femme qui rejette les critiques des sous-locataires. Les plaignants doivent être entendus mardi. Confrontée au témoignage écrit d'un policier qui évoque un cagibi transformé en chambre, elle affirme que cette pièce n'a jamais été louée comme chambre.
En liquide
L'acte d'accusation détaille les loyers perçus en comparaison avec les loyers officiels. Ainsi, à la rue de Lyon, un deux-pièces a été sous-loué 2020 francs par mois alors que le loyer officiel s'élevait à 1100 francs. A une certaine période, six personnes occupaient ce logement. La prévenue, qui conteste les chiffres du Ministère publics, encaissait les loyers en liquide.
Cette femme s'est montrée très loquace pendant l'audience. Ses explications partaient parfois dans tous les sens, malgré les recadrages de la présidente et de ses avocats. Elle a notamment expliqué fixer le loyer en fonction du profil des sous-locataires. Un étudiant payait sa chambre moins cher que les autres, selon elle.
Régies absentes
Non seulement elle louait de nombreux appartements, mais elle était aussi propriétaire de six autres biens. "Pourquoi cette profusion immobilière?", interroge la présidente. "Un des régisseurs me manipulait pour signer des baux non-officiels en me promettant de me vendre ensuite des appartements à des prix très intéressants", a-t-elle répondu.
Elle a aussi affirmé verser des sommes "au black" à une des régies. A noter que les représentants des régies n'étaient pas présents à cette audience, malgré la demande d'un des avocats de la vingtaine de plaignants. Selon le Tribunal, ces représentants ont déjà été entendus lors de la procédure. Ils ne sont pas prévenus dans cette affaire, a souligné la présidente.
Un bébé en détention
Le mari, un Suisse d'origine vietnamienne âgé de 48 ans, qui est accusé d'être son complice, a été mis hors de cause par son épouse. "Il n'a rien à voir avec cette histoire", a-t-elle insisté.
La femme a effectué un peu plus de neuf mois de détention provisoire entre mars et décembre 2020. Elle a raconté avec beaucoup de larmes cette période difficile. Enceinte à son arrivée en prison, elle a dû accoucher en détention. Un traumatisme pour elle, et un traitement inhumain pour le nouveau-né, a-t-elle souligné.
Après des études d'ingénierie en électricité, elle a suivi une formation de pilote d'avion. Elle est arrivée en Suisse avec un pécule de 327'000 francs. Privilégiant sa vie familiale, elle n'a jamais exercé d'activité professionnelle. Le procès se poursuit jusqu'à vendredi.