La Banque centrale européenne se montre réservée face aux dérégulations bancaires américaines et aux demandes similaires des banques européennes, censées améliorer leur compétitivité.
"Il faut toujours aborder la réglementation bancaire avec prudence", a déclaré Patrick Montagner, membre du Conseil de surveillance prudentielle au sein de la BCE, dans un entretien à l'AFP.
Car "le secteur bancaire est par nature un domaine qui peut générer beaucoup d'instabilité", souligne le haut responsable au sein du gendarme des quelques 110 plus grandes banques européennes, dont Deutsche Bank, BNP Paribas et UniCredit.
Ses commentaires surviennent alors que les banques européennes expriment régulièrement des préoccupations concernant leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrentes américaines, notamment en raison de la réglementation bancaire plus stricte en Europe.
Elles demandent une simplification des règles prudentielles, voire l'abolition de certaines exigences.
"Si, pour les acteurs qui en font la demande, la simplification signifie la suppression de certaines règles au détriment de la résilience du système bancaire, cela ne correspond pas à notre approche", martèle l'ancien premier secrétaire général adjoint de l'ACPR, le surveillant français des banques et assurances.
La BCE "sera hostile à ce type de simplification, mais in fine le législateur décidera", dit-il.
Risque de crédit
La vigilance est de mise car "un cycle massif de dérégulation a déjà eu lieu de la fin des années 1990 au milieu des années 2000", entraînant "une série de crises localisées, avant le choc global de 2008", rappelle M. Montagner.
L'instabilité du secteur financier s'est de nouveau manifestée en 2023 avec la crise des banques régionales aux États-Unis, due à une régulation insuffisante, ce qui a nécessité "une intervention fédérale pour y mettre fin", rappelle le superviseur.
M. Montagner se dit par ailleurs convaincu que "la réglementation bancaire n'a jamais freiné la croissance économique des pays, contrairement aux crises bancaires".
L'Europe rabote ces temps-ci ses prévisions économiques et ce "en raison des perspectives de guerre commerciale et d'autres facteurs géopolitiques", dit-il.
Cela risque probablement "d'entraîner une dégradation du risque de crédit et une hausse des créances douteuses", selon le banquier central.
"La question est : dans quelle proportion ? C'est une interrogation à laquelle tout le monde cherche des réponses".
La croissance économique ne dépend pas uniquement des taux d'intérêt, que la BCE réduit pour soulager les entreprises et les ménages emprunteurs. Ce sujet est plus généralement lié "à la productivité, aux conditions de l'offre et de la demande", de même qu'aux "obstacles aux échanges commerciaux susceptibles d'affecter plusieurs secteurs et plus largement l'économie", selon M. Montagner.
Retard des règles de Bâle
La Commission européenne publiera en 2026 un rapport sur la situation du système bancaire dans le marché unique, y compris sa compétitivité, a-t-elle annoncé le 19 mars.
"La BCE, forte de son expertise, est prête à participer à ces travaux", affirme M. Montagner.
L'institution est sous pression, alors que la mise en oeuvre d'une dernière mouture des accords de Bâle, destinés à renforcer le secteur financier après la crise de 2008, rencontre des difficultés.
Les États-Unis ont retardé leur application à 2028 et envisagent même de réduire certaines régulations.
Un indice supplémentaire : la nomination de Michelle Bowman, défenseuse d'une réglementation bancaire plus souple, la semaine dernière par l'administration Trump à la vice-présidence de la Réserve fédérale.
A la suite de leur lobbying intense, les grandes banques de Wall Street ont réussi à échapper, pour l'instant, aux règles déterminant leurs niveaux de fonds propres en fonction de leurs positions de négoce sur les marchés.
La Commission européenne a reporté l'application de ces mêmes règles à 2026, avec la possibilité de repousser encore d'un an, alors que Royaume-Uni a lui déjà suspendu leur implémentation jusqu'en 2027.
La BCE sera la encore prête à "apporter son expertise" aux futurs débats du Parlement et du Conseil de l'Union européenne sur le sujet, conclut M. Montagner.
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / awp / afp