Marine Le Pen est inéligible, à effet immédiat et pour cinq ans, compromettant très sérieusement sa candidature à l'Elysée en 2027. Le tribunal de Paris l'a condamnée lundi à une peine de quatre ans de prison dont deux ferme, au procès du Rassemblement national (RN).
"Le tribunal a pris en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l'ordre public, en l'espèce le fait que soit candidate à l'élection présidentielle une personne déjà condamnée en première instance", a déclaré la présidente Bénédicte de Perthuis pour justifier la peine d'inéligibilité immédiate.
Cette annonce - avant le détail des peines - a laissé la salle sans voix. Après un moment de flottement, et alors que la présidente commençait à appeler les prévenus un à un, Marine Le Pen a échangé quelques mots avec son avocat, puis s'est levée et a quitté les lieux.
Elle a ensuite traversé le tribunal sans un mot pour les caméras la poursuivant, puis est montée dans une voiture qui l'attendait pour se rendre au siège parisien du RN.
Pas de prison
La peine de prison ordonnée contre Marine Le Pen est aménagée sous bracelet, a précisé le tribunal, ce qui veut dire qu'elle n'ira pas en prison. Elle sera de toutes façons suspendue si la dirigeante d'extrême droite fait appel du jugement, l'exécution immédiate ne s'appliquant que pour l'inéligibilité.
Mme Le Pen a aussi été condamnée à une amende de 100'000 euros. Son parti, également reconnu coupable, a été condamné à une peine de deux millions d'euros, dont un million ferme, et une confiscation d'un million d'euros saisis pendant l'instruction.
Le Kremlin condamne
Marine Le Pen, qui sera l'invitée du journal télévisé de 20h00 de TF1, a reçu plusieurs soutiens de l'étranger. Le Kremlin a déploré une "violation des normes démocratiques". Le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini a fustigé une "déclaration de guerre de Bruxelles", alors que le premier ministre hongrois Viktor Orban écrivain sur X: "Je suis Marine!"
"C'est la démocratie française qui est exécutée", a pour sa part réagi le président du RN Jordan Bardella, qui a rejoint Marine Le Pen au siège du parti à la mi-journée. A l'inverse, la secrétaire nationale des Ecologistes Marine Tondelier a estimé que la dirigeante d'extrême droite devait "payer sa peine".
Le prononcé d'une peine d'inéligibilité "apparaît nécessaire", a justifié la présidente du tribunal, soulignant la "gravité des faits". Elle a mis en avant "leur nature systématique", "leur durée", le "montant des fonds détournés" mais aussi "la qualité d'élu" des personnes condamnées, et "l'atteinte portée à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique".
Le tribunal a considéré qu'un "système", "centralisé, optimisé" avait bien été mis en place pour permettre au RN (ex-Front national) de faire "des économies" en payant, entre 2004-2016, des assistants parlementaires "fictifs" qui travaillaient en réalité pour le parti.
Evoquant une "double tromperie", à l'égard du Parlement européen et des électeurs, la présidente de la cour a souligné que le "système" mis en place équivalait à un "contournement des règles des partis politiques et du fonctionnement démocratique".
Au début de l'audience et devant Marine Le Pen, assise au premier rang au côté notamment du vice-président du parti Louis Aliot, le tribunal a rapidement annoncé que les neuf eurodéputés poursuivis étaient coupables de détournement de fonds publics, et les douze assistants coupables de recel.
"Il a été établi que toutes ces personnes travaillaient en réalité pour le parti, que leur député ne leur avait confié aucune tâche", qu'ils "passaient d'un député à l'autre", a-t-elle détaillé.
"Il ne s'agissait pas de mutualiser le travail des assistants mais plutôt de mutualiser les enveloppes des députés" pour faire faire "des économies" au parti en étant "directement financé par le Parlement européen", a-t-elle poursuivi, sous les protestations à voix basse de Marine Le Pen.
"Au coeur du système"
Cette dernière était "au coeur de ce système", encore plus quand elle a pris la suite de Jean-Marie Le Pen à la tête du parti à partir de 2011. "Elle s'est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père" dès 2004, a estimé le tribunal.
Il n'y a pas eu d'"enrichissement personnel" mais "il y a bien un enrichissement du parti", a martelé la présidente, notant aussi que les salaires octroyés aux assistants parlementaires étaient plus "confortables" que ce que le parti aurait pu se permettre.
Election compliquée
Au terme de deux mois de procès et à la surprise générale, l'accusation avait requis à l'encontre de Mme Le Pen une peine de cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire (s'appliquant immédiatement, même en cas d'appel) en plus de cinq ans de prison dont deux ferme (une peine aménageable), ainsi que 300'000 euros d'amende.
Si elle fait appel, vu les délais habituels de la justice, il est envisageable que son second procès se tienne dans au moins un an, soit une décision pas avant l'automne 2026, quelques mois avant la présidentielle. Mais sa marche vers l'élection est compliquée.
Selon un sondage publié ce week-end, si une présidentielle se tenait aujourd'hui, la cheffe de file du RN arriverait largement en tête au premier tour, avec entre 34% et 37% des intentions de vote en fonction des candidats face à elle.
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / afp