Un tribunal parisien a jugé mardi que le cimentier Lafarge, accusé d'avoir payé des jihadistes pour maintenir son activité en Syrie jusqu'en 2014, et son propriétaire suisse Holcim, avaient violé la présomption d'innocence de son ex-PDG Bruno Lafont et de 3 ex-cadres.
Lafarge est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via une sous-filiale syrienne, plus de 5 millions d'euros en "taxes" et achats de matières premières à des groupes jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), et à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, malgré la guerre.
L'entreprise française, à présent filiale du groupe suisse Holcim, a plaidé coupable aux Etats-Unis pour ces faits en 2022 et a alors payé une sanction financière de 778 millions de dollars.
Holcim et Lafarge se sont ensuite retournés contre M. Lafont, PDG du cimentier de 2007 à 2015, et trois autres anciens cadres du groupe, ainsi qu'un homme d'affaires syrien, les assignant devant le tribunal des activités économiques de Paris.
A l'audience le 27 janvier, ils avaient réclamé 200 millions d'euros de réparation du "préjudice subi", à verser solidairement. Une demande à laquelle le tribunal a décidé mardi de surseoir à statuer, "dans l'attente de la fin de la procédure pénale en cours", selon le jugement consulté par l'AFP.
Eventuelle réparation
Dans la même décision, le tribunal a en revanche jugé qu'"il y a lieu, sans surseoir à statuer, de se prononcer sur une éventuelle réparation du préjudice subi" par Bruno Lafont et les trois ex-cadres "en raison du non-respect par Lafarge SA et Holcim" de leur "présomption d'innocence".
Une audience ultérieure devra être fixée sur leurs demandes.
L'ex-PDG estimait notamment que Lafarge et Holcim étaient allés à l'encontre de sa présomption d'innocence et de sa capacité à se défendre en commentant publiquement l'accord de plaider-coupable conclu avec le DOJ, le département de la Justice américain. En cause, des communiqués autour de cet accord dans lesquels il pouvait être reconnu dans le terme d'"anciens dirigeants de Lafarge SA", sans aucune mise en garde permettant de souligner la présomption d'innocence des cadres "impliqués".
L'ex-PDG, 68 ans et aujourd'hui retraité, réclamait 2,5 millions d'euros en réparation. Il nie avoir eu connaissance des versements en Syrie, et conteste, comme les autres ex-dirigeants, toute implication.
Guilty plea
"On est satisfaits de voir que la violation de la présomption d'innocence de M. Lafont a été reconnue" par le tribunal, qui a "jugé que Lafarge et Holcim dans leurs communiqués autour du guilty plea (plaider-coupable, NDLR) avait commis une faute", a réagi auprès de l'AFP son avocat Me Quentin de Margerie.
Les activités de Lafarge en Syrie font l'objet de deux dossiers devant la justice à Paris: un volet dans lequel Lafarge, M. Lafont et sept autres anciens responsables devront répondre devant le tribunal correctionnel de Paris fin 2025 de "financement d'entreprises terroristes".
Dans un autre volet, Lafarge est mis en examen pour des soupçons de "complicité de crimes contre l'humanité de la société", une qualification rarissime pour une entreprise.
Cet article a été publié automatiquement. Sources : ats / afp