Devant cette instance mais aussi devant la Conférence du désarmement (CD), des dizaines de délégations, notamment de pays membres de l'UE, ont quitté les deux salles au moment où le ministre russe des Affaires étrangères a entamé ses discours. Devant la CD, une minute de silence a même été observée pour les victimes du conflit en Ukraine.
Les représentants des pays qui ont manifesté leur désaccord en quittant la salle se sont massés autour de l'ambassadrice ukrainienne. Devant le Conseil, M. Lavrov, qui avait prévu de se rendre à Genève mais a renoncé en raison des sanctions et de la fermeture de l'espace aérien décidée par les pays européens, a lui dénoncé une violation de ses libertés fondamentales.
La Suisse n'a pas participé à ces deux boycotts parce qu'elle n'est pas favorable en général à ce type d'actions. "Tous les Etats membres doivent être consultés et le dialogue doit être mené avec tous les acteurs étatiques", a dit à Keystone-ATS une porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à Genève.
Face aux sanctions, qui le visent également désormais, le ministre russe des Affaires étrangères a accusé l'Occident d'avoir "perdu le contrôle de lui-même". Il lui reproche de cibler de nombreuses composantes de la société russe avec un dispositif "illégal".
Moscou prêt à discuter
Pour le reste, il a largement répété les accusations de néo-nazisme contre les autorités ukrainiennes et de génocide mené contre la population russophone de Donbass. Récemment, les "actions criminelles" du régime ont "largement augmenté", a-t-il affirmé, justifiant l'offensive lancée par son pays. "La Russie ne pouvait rester indifférente" à la situation de millions d'habitants du Donbass.
Moscou a aussi mis en scène ses reproches. La Mission russe auprès de l'ONU à Genève a publié sur son site une "exposition" de documents et de photos qui prouvent, selon M. Lavrov, les "graves violations des droits humains" perpétrées par le gouvernement ukrainien dans l'Est du pays.
Et le chef de la diplomatie russe de dénoncer une nouvelle preuve d'un double standard des Etats-Unis, coupables selon lui de violations des droits humains et du droit international humanitaire (DIH), et d'une volonté de Washington et de ses alliés d'une "Anti-Russie". Pour autant, le ministre affirme toujours que Moscou est prête à dialoguer si les conditions le permettent et si ces discussions sont équitables.
Face à lui, également par vidéo, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a laissé entendre que Moscou n'avait plus sa place au Conseil des droits de l'homme. Cette suspension ne pourrait être prise que par l'Assemblée générale de l'ONU. Mentionnant une crise des droits humains et du DIH, M. Blinken a dénoncé une détérioration "chaque heure" et a redouté que celle-ci s'aggrave tant que les affrontements continueront.
Les Etats-Unis vont pousser pour obtenir une majorité pour le lancement d'une Commission d'enquête internationale lors du débat urgent prévu jeudi. Ils n'excluent pas d'œuvrer pour des poursuites criminelles, alors que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), à laquelle ils ne sont pas partie, a ouvert une investigation préliminaire.
Armes nucléaires redoutées par Kiev
"Le monde vous regarde", a affirmé à la presse à Genève la sous-secrétaire d'Etat américaine aux droits de l'homme Uzra Zeya en ciblant les dirigeants russes. Washington, qui est à nouveau membre de l'instance, lance un appel aux autres pays. Face à une Russie "isolée", "le moment est venu pour le Conseil d'œuvrer", ajoute encore la sous-secrétaire d'Etat.
Parmi les réactions après les déclarations de M. Lavrov, les autres pays n'ont pas été en reste. La Suisse a répété que les justifications russes n'étaient "pas crédibles". Le président Vladimir Poutine a "du sang sur les mains", a estimé de son côté la secrétaire britannique aux affaires étrangères Liz Truss.
Devant la CD, M. Lavrov avait répété que les armes nucléaires américaines en Europe "sont inacceptables" pour la Russie. Il a appelé à "les ramener à la maison", juste après que son homologue ukrainien Dmytro Kouleba avait estimé que Moscou était prêt à provoquer des dommages "chimiques, biologiques et nucléaires" en Ukraine.
Vladimir Poutine a ordonné récemment la mise en alerte des forces nucléaires russes. Mais La Russie se dit là encore prête à discuter, a encore dit son ministre des Affaires étrangères.